Kassaman binnazilat ilmahiqat..." le plus noir des crimes est celui qui consiste à obscurcir la conscience politique et d’égarer tout un peuple" d'Emile ZOLA

Kassaman binnazilat ilmahiqat..." le plus noir des crimes est celui qui consiste à obscurcir la conscience politique et d’égarer tout un peuple" d'Emile ZOLA

Le nom de ce blog est sans doute évocateur de notre "nachid el watani" tant décrié par le passé parce que, associé au pouvoir Algérien illégitime. Après des décennies de disettes. Je voudrais faire de cet espace, un coin où tous mes compatriotes et autres amoureux de libertés, de démocratie, ou tout simplement d'histoire pourraient s'exprimer librement. En ce sens, nous vous souhaitons la bienvenue. En hommage à Nacer Hachiche, repose en paix et à bientôt ! Pour garder le contact avec notre chère patrie : http://www.alger-presse.com/index.php/presse-fr


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Publié par The Algerian Speaker sur 10 Mars 2016, 14:45pm

Catégories : #la rubrique de Kamel Daoud

Fascinante lutte de la chair contre la pierre. Plutôt de la représentation contre l’image. Cela devient chronique : des « fondateurs » de la nation sont représentés par des statues que les Algériens refusent, déboulonnent et finissent par remplacer comme cela s’est passé à Constantine ou Aïn M’lila. A creuser. On y retrouve tout le malaise de l’esthétique dans le pays de l’art zéro et ce lien trouble de l’image de soi dans la vie.

Résumons : un père de la nation est retenu pour l’hommage. On dresse à son honneur une statue mais en passant par ce circuit qui réduit l’art au bon de commande : wilaya, mairie, pouvoirs publics. Les trois connus par leur propension au grossier, leur surfacturation et leur peu de goût pour l’art. Autant confier la fabrication d’une céramique à un passeur de « clandestins ». Cela aboutit à ces monstres en bronze, en ciment ou en pierre, plus proches du troll que du grec. Défiguration de l’Ancêtre, laideurs. Cela finit donc par provoquer le rejet, la colère et le déboulonnement. Il suffit de passer par les villages pour voir ce que l’esthétique du régime a fait des « représentations » : peintures murales affreuses, Moudjahid monstrueux, portrait faussé de héros, slogans dégoulinants du 1er novembre. Toute l’esthétique kitch des régimes fermés, gonflés aux propagandes.

On comprend alors que l’art est dissidence et n’éclot pas facilement chez nous. Et on comprend pourquoi l’affaire de Larbi Ben M’hidi ne sera pas la dernière : la France colonial l’a tué, l’esthétique socialiste l’a défiguré et tant qu’il n’y a pas de liberté, il n’y aura pas de bon goût.

Au défaut de fabrication s’ajoute alors la crise de l’image : les Algériens refusent souvent la représentation de soi. Mal à l’image : on peut dire du mal des nôtres, entre nous mais pas des nôtres aux autres ; principe fondateur du Halal/Haram intellectuel. Insulter le pays est une conversation courante, le dire à haute voix internationale est une traîtrise. On le pratique, on le sait tous. On est mal à l’aise devant les photographes et surtout ceux des autres pays.

La guerre des statues se double, enfin, avec un troisième acteur pernicieux: le Daech esthétique. Refus des statues d’hommage sous prétexte du religieux. Certains, en concomitance, essayent de se greffer sur la crise des monuments pour introduire l’odeur de la fatwa. On profite de la condamnation de la laideur de ces sous-œuvres pour évoquer un peu « l’Art Daech » comme norme et la guerre faites aux idoles de la Mecque il y a des siècles. L’islamisme étant opportunisme par essence, on profite autant d’une affaire de viol sur enfant pour demander « El Kissasse » et donc la Chariaâ, que de la crise des statues pour baliser l’art avec un désert.

Passons. Le sujet est cette laideur dont sont capables des régimes quand ils ne laissent pas éclore l’art et s’autonomiser les champs de création. Avec la statue de l’Emir au cheval disproportionné, celle de Ben Badis, affreuse comme une cheville fracassée, ou celle de Larbi Ben M’hidi monstrueuse comme un cétacé de plastique, l’Art du Régime atteint son pic. Il a déjà défiguré les villages, les entrées des villes, les façades d’immeubles et les places publiques. Là, il se consomme en apogées insultantes.

Etrange : il faudrait faire un jour l’album de ces statues et autres « monuments » dédiés aux martyrs, payés par l’argent public et qui essaiment le pays : trolls, amoncellements, bizarreries de pierres. Des choses obscènes qui révèlent tout l’Art de la détestation intime de soi et des siens. Variation sur une sentence de Nietzsche : ce que l’homme cache, l’art le révèle. Ici, il s’agit du grossier.

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